❶ Blanchiment de fraude fiscale: Validation d'une CJIP pour la première banque danoise Danske Bank A/S |
Le 18 septembre 2024, le président du tribunal judiciaire de Paris a validé une convention judiciaire d‘intérêt public (CJIP) conclue avec la première banque danoise, la société Danske Bank A/S.
Une enquête ouverte en 2014 avait mis en évidence l’existence de flux financiers constitutifs d’une fraude fiscale, lesquels transitaient ensuite par des comptes ouverts en Estonie. La société était mise en examen du chef de blanchiment de fraude fiscale en bande organisée le 7 février 2019.
Une CJIP était conclue avec le PNF le 27 août 2024, comportant l’obligation pour la société de s’acquitter d’une amende d’intérêt public d’un montant total de 6 028 799 euros et d’indemniser l’État français à hauteur de 300 000 euros en réparation de ses préjudices.
La part afflictive de l’amende tenait compte des facteurs majorants suivants :
« - la taille de l’entreprise, s’agissant de la première institution financière danoise ;
- l’insuffisance du programme de conformité, compte tenu des défaillances de contrôle interne observées en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux ;
- le caractère répété des faits en cause ;
- l’utilisation des ressources de la personne morale pour dissimuler la circulation des fonds échappant à l’impôt ;
- le trouble grave à l’ordre public occasionné par ces faits, compte tenu notamment de la confiance recherchée et nécessaire dans le système bancaire. »
La CJIP a entièrement été validée par le président du tribunal judiciaire de Paris par une ordonnance du 18 septembre 2024.
Ordonnance de validation de la CJIP du 18 septembre 2024.
❷ Précisions sur la notion de manquement délibéré: CE, 8ème chambre 23 Juillet 2024 n°489235 |
Les contours de la notion de manquement délibéré représentent un enjeu majeur puisqu’aux termes de l’article L. 228 du LPF, une majoration de 40% pour manquement délibéré est susceptible d’entraîner une dénonciation automatique au parquet.
À l’issue d’une vérification de ses déclarations fiscales, une société a fait l’objet de rappels de TVA assortis de majorations pour manquement délibéré. La Cour administrative d’appel avait prononcé la décharge desdites majorations au motif que son intention d’éluder l’impôt n’était pas établie.
Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a formé un pourvoi devant le Conseil d’État, soutenant que la Cour aurait à tort fondé sa décision sur l'absence de répétition du manquement au cours d'une autre période antérieurement vérifiée.
Après avoir rappelé que pour établir l'existence d'un manquement délibéré de la part d'un contribuable, « l'administration doit apporter la preuve, d'une part, de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet de ses déclarations et, d'autre part, de l'intention de l'intéressé d'éluder l'impôt », le Conseil d’État conforte la position des juges du fond en estimant que le fisc n’apporte pas la preuve de l’élément intentionnel de l’omission.
Selon le Conseil d’État, « la cour, qui, contrairement à ce que soutient le ministre, n'a pas fondé sa décision sur l'absence de répétition du manquement au cours d'une autre période antérieurement vérifiée mais seulement sur la circonstance que les échéances pour lesquels les manquements avaient été commis s'inséraient au sein d'une période qui ne couvrait qu'une partie de celles ayant fait l'objet de la procédure de vérification en cause, la cour n'a pas commis l'erreur de droit qui lui est reprochée ».
CE, 23 juillet 2024, n°489235.
❸ Une réglementation qui limite la déduction des intérêts payés au titre d'une emprunt intragroupe est compatible avec le droit de l'UE: CJUE, 4 Octobre 2024, C-585/22. |
Dans un précédent arrêt Lexel du 20 janvier 2021, la CJUE avait estimé que les transactions intragroupe, telles que la dette contractée auprès d'une entité liée au contribuable, ne peuvent pas être considérées comme des montages purement artificiels lorsqu'elles sont conclues dans des conditions de pleine concurrence.
Le 4 octobre 2024, la CJUE a jugé que l’article 49 du TFUE devait être interprété en ce sens qu’il :
« ne s'oppose pas à une législation nationale en vertu de laquelle, dans la détermination du bénéfice d'un contribuable, la déduction des intérêts versés au titre d'une dette d'emprunt contractée auprès d'une entité liée, relative à l'acquisition ou à l'augmentation d'une participation dans une autre entité qui devient, à la suite de cette acquisition ou de cette augmentation, une entité liée à ce contribuable, est intégralement refusée, lorsque cette dette est considérée comme constituant un montage purement artificiel ou faisant partie d'un tel montage, et cela même si ladite dette a été contractée à des conditions de pleine concurrence et si le montant de ces intérêts ne dépasse pas celui qui aurait été convenu entre des entreprises indépendantes ».
CJUE, 4 octobre 2024, n°C-585/22.
Manon de Saint-Léger Medhi Jouini – Thomas Mercey Docteur en droit Avocats au Barreau de Paris Membre de l’IDPF² – Comité Doctrine Co-présidents IDPF² Contact : idpf2@idpf2.org